Pour participer
Les propositions de communication (400 mots maximum, 5 mots-clés et une brève biobibliographie) sont à adresser pour le 20 juin 2024, délai de rigueur, aux trois adresses suivantes :
christiane.connan-pintado@orange.fr
stephanie.lemarchand@unicaen.fr
APPEL À COMMUNICATIONS
Colloque INSPE-Normandie Caen, 20-21 novembre 2024
Adolescences romanesques
La génération des Six Compagnons (1960-1980)
Christiane Connan-Pintado, Stéphanie Lemarchand, Anne Schneider
[I]l n’est pas possible d’écrire pour la jeunesse,
si, en même temps, on ne s’efforce pas
d’écrire sur la jeunesse.
Georges G.-Toudouze[1]
À mi-chemin de la guerre et du nouveau millénaire, dans le contexte politique, social et économique favorable des « Trente Glorieuses », l’édition pour la jeunesse connaît en France un essor remarquable (Piquard, 2004). Tel est l’empan temporel que nous proposons de cerner afin d’observer les romans publiés en France pour et sur l’adolescence au cours des années 1960-1980. L’expansion de cette littérature a été amorcée au cours de la décennie précédente : l’importation de séries américaines et britanniques à succès et le développement des différentes collections de G. P. (pour Général Publicité, maison d’édition pour la jeunesse essentielle des années 1940-1980) et de Hachette ont modifié sensiblement le paysage éditorial, les éditeurs invitant leurs auteurs à proposer des fictions de leur cru. Sans doute Les Six Compagnons de Paul-Jacques Bonzon représentent-ils le paradigme de cette tendance, avec 38 volumes parus de 1961 à 1978 – auxquels a été consacré un ouvrage récent (Quet et Mercier-Faivre, 2022). Toutefois, les auteurs et autrices publiant pendant cette période ne se bornent pas aux aventures hexagonales et ouvrent largement l’horizon de leurs personnages : on pense, par exemple, aux romans « africains » de René Guillot, aux voyages maritimes des Cinq jeunes filles de Georges Gustave-Toudouze, aux îles plus ou moins exotiques où évoluent les jeunes héroïnes de Saint-Marcoux, aux romans non sériels de Bonzon qui explorent différents pays et continents (Cahiers Robinson, n° 48, 2020). Quel que soit leur chronotope, ces romans ont en commun de s’attacher à des figures adolescentes propres à captiver le jeune lectorat pendant une période à laquelle l’histoire culturelle a accordé toute son attention, comme le montrent les travaux d’Anne-Marie Sohn (2003, 2001) et de Jean-François Sirinelli (2003, 2001).
Nous nous centrons donc sur une période précise, sur le genre littéraire du roman pour la jeunesse et sur les représentations qu’il offre de l’adolescence à laquelle il s’adresse. Alors que cette époque n’est pas si lointaine, elle paraît aujourd’hui complètement révolue, tant les temps ont changé. Pour démarquer le titre de l’album Yvan Pommaux, Avant la télé (L’École des loisirs, 2002), c’était avant les ordinateurs, les téléphones portables et les réseaux sociaux, en somme, dans un autre monde. Quelle que soit la distance qui nous sépare d’elle, on considèrera la littérature de cette époque dans son contexte sans verser dans l’anachronisme. Plusieurs études se sont déjà penchées sur ses auteurs : au-delà des deux publications dévolues aux œuvres de Paul-Jacques Bonzon – sans avoir épuisé le sujet pour autant – différents articles et chapitres d’ouvrages (voir la bibliographie ci-dessous) s’attachent, pour ne citer que quelques noms, aux romans de Paul Berna, Myonne, Claude Campagne, Yvonne Meynier, Paluel-Marmont, Marguerite Thiebold et de bien d’autres de ces écrivains pour la jeunesse recensés par Claude Bron (1972) et Nic Diament (1993). Sans doute cette littérature ne risquait-elle pas d’inspirer aux adultes médiateurs les inquiétudes que suscitent certaines œuvres contemporaines pour la jeunesse (Rolland, 2008), tant elle semble se conformer aux canons d’un champ éditorial qui vise à divertir et à instruire sans attenter à l’ordre social ni aux convenances. Il faudra toutefois interroger les contours de l’adolescence qu’elle propose, entre conformité aux normes en vigueur et prémices d’une émancipation, voire d’une subversion. Dans ce cadre, on emploie l’adjectif « romanesque » dans son double sens pour qualifier à la fois « un certain type de texte mais aussi un certain état d’esprit » (Besson et Marcoin, 2020).
Parmi les axes de réflexion envisageables pour tenter de cerner la singularité des adolescences des années 1960-1980, on pourra s’intéresser, sans exclusive, aux suggestions suivantes. Sera particulièrement appréciée toute proposition qui souhaiterait poursuivre et enrichir l’étude des œuvres de Paul-Jacques Bonzon.
- La diversité des genres et sous-genres romanesques explorés et la manière dont ils permettent de configurer les figures adolescentes. Une comparaison avec la production romanesque venue d’ailleurs ou contemporaine pourra être envisageable.
- Le rôle des lignes et des contraintes éditoriales, souvent pesantes, pour encadrer, voire cadrer, les figures adolescentes proposées.
- Le poids du contexte – familial, scolaire, social, sociétal, politique, économique – et des figures d’autorité sur la construction des personnalités adolescentes.
- La répartition genrée des figures adolescentes et les formes d’une héroïsation du féminin.
- La réception de ces romans, passée, « après coup » (Louichon, 2009) ou actuelle, privée ou scolaire – quelques noms d’auteurs de nos corpus, comme Paul Berna et Colette Vivier, ont été retenus sur les listes du ministère de l’Éducation nationale – ainsi que leur présence dans la création transmédiale.
- La traduction des romans lorsqu’ils ont été diffusés au-delà de nos frontières comme le montre Yves Marion pour ceux de Paul-Jacques Bonzon (Marion, 2008 : p. 248-250).
- La fabrication de ces romans pourrait être mise au jour à partir des fonds de l’IMEC pour enquêter, comme l’avait fait Yves Marion à propos de Paul-Jacques Bonzon (2008), sur la génétique des textes, le travail des romanciers pour la jeunesse et leurs relations avec les éditeurs, tous paramètres permettant de cerner la construction des figures adolescentes. Pour une recherche sur P.-J. Bonzon, on peut s’appuyer sur les fonds réunis par l’Association des amis de Paul-Jacques Bonzon (https://www.amis-pauljacquesbonzon.com/apjb/)
Bibliographie
Anne Besson et Francis Marcoin, « Littérature de jeunesse et romanesque. Lieu d’élection, paradis perdu ou dernier refuge ? », dans Romanesques, n° 12, « Littérature de jeunesse et romanesque », 2020, p. 53-66.
Adrienne Boutang, « L’adolescence est-elle soluble dans l’enfance ? Définitions et délimitations du public en littérature et culture de la jeunesse », Transatlantica [En ligne], 2 | 2019, mis en ligne le 01 août 2020, consulté le 22 janvier 2024. URL : http://journals.openedition.org.docelec.u-bordeaux.fr/transatlantica/14527 ; DOI : https://doi-org.docelec.u-bordeaux.fr/10.4000/transatlantica.14527
Claude Bron, Romanciers choisis pour l’enfance et l’adolescence : auteurs contemporains de langue française, Paris, Hatier-Rageot, 1972.
Christiane Connan-Pintado, « Aventures aux Baléares. Quand le roman pour la jeunesse rêve d’aventures en Méditerranée », dans Méditerranée inter/transculturelle. L’Autre, le lieu autre, la langue de l’autre, dans Carlota Vicens Pujol et al. (dir.), Presses de l’Université des Îles Baléares, 2018, p. 167-181.
Françoise Demougin, « Paul Berna et Saint-Marcoux, un homme et une femme au cœur de la collection Rouge et Or », dans Christiane Connan-Pintado et Gilles Béhotéguy (dir.), Être une fille, un garçon dans la littérature pour la jeunesse (1945-2012), Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, « Études sur le livre de jeunesse », 2014, p. 69-82.
- « Paul Berna ou la petite fabrique de l’auteur pour le lecteur », dans Jean-François Massol et François Quet (dir.), L’auteur pour la jeunesse, de l’édition à l’école, Lyon, ENS de Lyon/ELLUG, 2011, p. 59-74.
- « La figure paternelle chez Paul Berna, un imaginaire prométhéen », dans Cahiers Robinson, n° 22, 2007, p. 95-104.
Laurent Déom, L’imaginaire en œuvre. Romans scouts et expérience littéraire, Bruxelles, Peter Lang, « Recherches comparatives sur les livres et le multimédia en France », 2014, 413 p.
Nic Diament, Dictionnaire des écrivains français pour la jeunesse (1914-1991), Paris, L’École des loisirs, 1993, 784 p.
Danièle Henky, « Redevenir enfant ou la quête paradoxale du paradis perdu en littérature de jeunesse », dans Isabelle Cani et al., Devenir adulte et rester enfant ? Relire les productions pour la jeunesse, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise Pascal, « Littératures », 2008, p. 213-226.
Brigitte Louichon, La littérature après coup, Rennes, Presses universitaires de Rennes, « Paideia », 2009.
Francis Marcoin, « Courage et ménage : les enfants de la Libération », dans Christiane Connan-Pintado et Gilles Béhotéguy (dir.), Être une fille, un garçon dans la littérature pour la jeunesse (1945-2012), Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, « Études sur le livre de jeunesse », 2014, p. 135-148.
Yves Marion, De la Manche à la Drôme : itinéraire de l’écrivain Paul-Jacques Bonzon, instituteur et romancier pour la jeunesse, Marigny, Éditions Eurocibles, 2008.
Anne-Marie Mercier-Faivre, « “Grandes vacances” en séries ; le Club des cinq et les Six Compagnons, vacanciers-détectives », Cahiers Robinson n° 53, 2023, p. 75-92.
Michèle Petit, « Pourquoi inciter des adolescents à lire de la littérature », Bulletin des bibliothèques de France, 2003, Vol.48 (3), p.29-36. https://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/documents/34785-pourquoi-inciter-des-adolescents-a-lire-de-la-litterature.pdf
Michèle Piquard, L’édition pour la jeunesse en France de 1945 à 1980, Paris, Presses de l’Enssib, 2004, 391 p.
Christine Prevost, « Les Habits du fantôme et Le Colosse machinal, Michel Chaillou lecteur-auteur pour la jeunesse », Roman 20-50 : Revue d’étude du roman du XXe siècle, 2023, p.51-64.
Christine Prevost, Des livres « sains » pour divertir la jeunesse des années 60 : les récits de l’instituteur normand Paul-Jacques Bonzon, 50ème congrès des Sociétés Historiques et Archéologiques de Normandie : “Éduquer et instruire en Normandie”, oct 2015, Saint-Lô, France. p. 193-201.
François Quet et Anne-Marie Mercier-Faivre (dir.), Des Compagnons de la Croix-Rousse aux Six compagnons. Une série policière pour la jeunesse (1961-1978), Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, « Études sur le livre de jeunesse », 2022, 324 p.
Annie Rolland, Qui a peur de la littérature ado ?, 2008, Paris, Éditions Thierry Magnier, 240 p.
Jean-François Sirinelli, « Des « copains » aux « camarades » ? Les baby-boomers français dans les années 1960 », Revue historique, vol. 626, no. 2, 2003, pp. 327-343. https://doi-org.docelec.u-bordeaux.fr/10.3917/rhis.032.0327
- « La France des sixties revisitée », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, vol. no 69, no. 1, 2001, pp. 111-124. URL : https://www-cairn-info.docelec.u-bordeaux.fr/revue-vingtieme-siecle-revue-d-histoire-2001-1-page-111.htm
Christine Sauvajol Buferne, Comité de lecture de l’Association de recherche et de pratique sur le livre pour enfants, « De la collection « Plein Vent » à Nos étoiles contraires, quarante ans de littérature pour les adolescents », Enfances & Psy, vol. 82, no. 2, 2019, pp. 69-75. https://doi-org.docelec.u-bordeaux.fr/10.3917/ep.082.0069
Bénédicte Shawky-Milcent et al. (dir.), Autobiographies de chercheur.se.s, lecteur.ice.s, scripteur.ice.s, Les Presses de l’Écureuil, 2020.
Anne-Marie Sohn, « Les “relations filles-garçons” : du chaperonnage à la mixité (1870-1970) », Travail, genre et sociétés, 2003/1 (N° 9), p. 91-109. DOI : 10.3917/tgs.009.0091. URL : https://www-cairn-info.docelec.u-bordeaux.fr/revue-travail-genre-et-societes-2003-1-page-91.htm
- Âge tendre et tête de bois. Histoire des jeunes des années 1960, Paris, Hachette Littératures, 2001, 431 p.
Guillemette Tison, « Le romanesque du quotidien. L’exemple de Colette Vivier », dans Romanesques, n° 12, « Littérature de jeunesse et romanesque », 2020, p. 83-96.
Joëlle Turin, « La littérature de jeunesse et les adolescents : évolution et tendances », Bulletin des bibliothèques de France (BBF), 2003, n° 3, p. 43-50. En ligne : https://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2003-03-0043-006 ISSN 1292-8399.
Patrick Tourchon et Leniiw Roman, La créativité à vif de Georges Bayard, Paris, L’Harmattan, « Espaces littéraires », 2021.
Cahiers Robinson, « À l’ombre des séries, des œuvres singulières », sous la dir. de Christine Prévost et Aurélie Gille Comte-Sponville, n° 48, 2020.
Cahiers Robinson, « La bibliothèque Rouge & Or », sous la dir. de Michel Manson, Francis Marcoin et Guillemette Tison, n° 21, 2007.
Pour participer
Les propositions de communication (400 mots maximum, 5 mots-clés et une brève biobibliographie) sont à adresser pour le 20 juin 2024, délai de rigueur, aux trois adresses suivantes :
christiane.connan-pintado@orange.fr
stephanie.lemarchand@unicaen.fr
Dans la mesure du possible, le colloque prendra en charge le déplacement et l’accueil des intervenants selon des modalités qui seront précisées ultérieurement.
Calendrier
Appel à communications : 20 février 2024
Date limite d’envoi des propositions de communication : 20 juin 2024
Réponse du comité scientifique : 15 juillet 2024
Date du colloque : 20-21 novembre 2024
Comité d’organisation
Anne Schneider, Stéphanie Lemarchand, Nathalie Lebreuilly, Marlène Fraterno, Yves Marion, Michèle Guglielmi, Christiane Connan-Pintado.
Comité scientifique
Christiane Connan-Pintado, université de Bordeaux-INSPE, Plurielles (UR 24142), université Bordeaux Montaigne
Laurent Déom, université de Lille, Alithila (UR 1061)
Aurélie Gille Lecomte-Sponville, université d’Artois, « Textes et culture » (UR 4028)
Danièle Henky, université de Strasbourg, « Configurations littéraires » (UR 1337), LETHICA ; « Écritures » (UR 3943), université de Lorraine
Esther Laso y Leon, université d’Alcalá, Lijel-UAM, Anling-UAH
Stéphanie Lemarchand, université de Caen Normandie-INSPE, LASLAR (UR 4256)
Francis Marcoin, université d’Artois, « Textes et culture » (UR 4028)
Marion Mas, INSPE-université Lyon1, IHRIM (UR 5317)
Nicolas Rouvière, université Grenoble-Alpes, Litt&Arts-CNRS (UR 5316)
Anne Schneider, université de Caen Normandie-INSPE, LASLAR (UR 4256)
[1] Georges G.-Toudouze, « Préface » de Jean de Trigon, Histoire de la littérature enfantine de Ma Mère L’Oye au Roi Babar, Paris, Hachette, 1950, p. XI.