Marc Lambron, est né le 4 février 1957, dans le 6e arrondissement de Lyon. Il y a fait ses études avant de rejoindre Paris, Henri IV et l’Ecole normale supérieure. Haut fonctionnaire, critique littéraire et écrivain, il est élu à l’Académie française en 2014.

Dans son dernier roman, Le monde d’avant, à partir de la figure de son grand-père, Marc Lambron revisite une France perdue dans un texte bref qui a la densité d’un tombeau et la beauté d’une élégie.

Il consacre un chapitre – une phrase – à énumérer ce qui semble à ses yeux le mieux caractériser les années 1960. Et parmi ces symboles, marqueurs de cette époque, les Six compagnons et Club des Cinq, aux côtés du Teppaz, de La Grande Vadrouille et du Jour le plus long.

Étés des années 1960, pays de l’étrange bonheur, époque d’enfançons libérés des fatalités proches, familles involuées en escargots, fantôme conjuré de la guerre, récits tus ou transmis, projections mentales dans les romans d’autrefois – je lisais Paul Féval et Victor Hugo –, Paris comme la ville lointaine des conjurations et des Misérables, la France du Général et de Leny Escudero, des DS21 et des bidonvilles, aubes radieuse sur les cités nouvelles, passage ennuagé de Nounours et du marchand de sable, conscrits au bal du samedi soir et catherinettes coiffées, apothéose d’Astérix, douleur des Rapatriés, douce voix de Françoise Hardy, cinémas avec court-métrage et actualités, cerises sapides sur les marchés, télévision en noir et blanc, Jean-Luc Godard et ses lunettes noires, bikinis sur les plages avec Teppaz, Jean Nohain et sa moustache, le pont de Tancarville et les Caravelles dans le ciel, lents après-midi sous une ombre d’avant, porte-drapeaux à bérets devant les monuments aux morts, accent rocailleux de Jacques Duclos, twist et collants orange, intrigues des Six compagnons et du Club des Cinq, boucheries chevalines et kiosques à journaux, Le Jour le plus long et La Grande Vadrouille, ombres portées des guerres et des héros, Malraux devant le Panthéon, passage des nuits sans alertes, sentiment de la vastitude du monde, astronautes en orbite et starlettes sur la Croisette, je ne sais comment les hommes d’autrefois habitaient ce temps, les silences de mon grand-père ne m’en ont pas donné la clef, ni le vent qui passait sur les hivers, ni le soleil qui écrasait les campagnes, et les éclats de lumière que l’aube réveillait sur un pays d’ancienne mémoire. Pages 55 et 56.

Marc Lambron, Le monde d’avant, Grasset, 2023, 68 p.

Yves Marion, 21 mars 2023

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